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Rêveries du confinement

Un même fragment de ciel.
Un enfermement sans horizon.
Un regard qui s’accroche, qui insiste.

Le monde s’est figé, mais là-haut, tout bouge encore.
Le paysage se réduit à un cadre : la fenêtre.
L’extérieur devient une résonance de lumière, de couleurs fuyantes, de formes en suspens.
La contemplation devient une nécessité, un refuge.

Chaque image porte l’empreinte de l’attente.
Le ciel, territoire mouvant, insaisissable.
Les détails oubliés prennent du poids, du sens, une présence nouvelle.

Sans corps, sans contact,
le regard invente un abri.
Les antennes, les câbles, les oiseaux—
signes fragiles d’un monde qui continue d’exister, ailleurs.

Photographier, c’est habiter l’absence.
Photographier, c’est résister à l’effacement.
Photographier, c’est se souvenir que, même en exil, même en silence,
il reste du mouvement, une pulsation, un souffle.



" Le premier jour, il créa les câbles électriques pour que les oiseaux puissent se percher en ligne horizontale. Il créa aussi le ciel et décida que chaque aurore serait unique. "Les jours sur Terre ne se répéteront pas", affirma-t-il avec astuce, se réservant habilement les teintes grises pour les matins sans entrain ni inspiration.
"Le contraste est bienvenu", s'exclama-t-il avec enthousiasme. "Il permet de distinguer ce qui existe, ce qui est superflu et ce qui manque."

Le premier jour, le bruit habituel du monde s'évanouit.

Le deuxième jour, il créa Pac-Man, avec tant de bleu à jouer. Il dispersa les fantômes dans divers cieux et accorda à l'un d'eux une demeure sur Terre. Il établit également la première division : les essentiels et les non-essentiels. Les essentiels pourraient sortir, mais seraient débordés de travail, tandis que les autres resteraient chez eux, confrontés à leur non-essence.
"Sans contradictions, l'ennui les guette", se dit-il convaincu. Dans l'après-midi du deuxième jour, il créa les statistiques, "car les chiffres les fascinent", affirma-t-il.

Le deuxième jour, les statistiques et le fantôme vivant sur Terre devinrent incontrôlables et dominèrent le monde.

Le troisième jour, il conçut la formule insoluble de la "continuité de l'incertitude". Il créa également le son des applaudissements. Les gens se penchaient par leurs fenêtres à dix-neuf heures précises pour applaudir les professionnels de la santé. C'était magnifique d'entendre ce clap-clap-clap! national. Ils étaient les nouveaux dieux sur Terre.
Cependant, lorsqu'ils rentraient chez eux, applaudis mais épuisés, ils découvraient sous leur porte des lettres anonymes contenant des menaces et des demandes d'expulsion. En plus d'être des sauveurs, ils étaient porteurs de contamination. Ils devaient se sacrifier un peu plus.

Le troisième jour, l'incertitude, la contradiction et la suspicion furent utilisées pour la deuxième grande division.

Le quatrième jour, il créa les fenêtres. Pas celles que l’on ouvre pour aérer, mais celles qui cadrent le monde quand on ne peut plus en faire partie. Il les équipa de reflets, de buée, de gouttes de pluie glissant comme des souvenirs qu’on ne retient pas.

Il ajouta des rideaux, pour ceux qui ne voudraient plus voir, et des ombres qui traversaient derrière les vitres, prouvant qu’un ailleurs existait encore.

Le soir venu, il ajouta un dernier détail : les levers et couchers de soleil spectaculaires, pour rappeler aux confinés qu’ils avaient manqué quelque chose d’irremplaçable.

Le quatrième jour, il mit l'horizon sous clé.

Le cinquième jour, il créa les licornes, si magnifiques qu'il en ressentit de la jalousie et les cacha. Il sema le doute sur leur existence, car en plus de la peur, il éprouvait de la fierté pour sa création.
"Le doute est un puissant ingrédient pour mélanger réalité et fiction", improvisa-t-il.

Le cinquième jour, de cette incohérence, de cette beauté, des licornes, de la peur et du doute, naquit le complot."

Le sixième jour, il créa les absences. Les places vides autour des tables, les sièges inoccupés dans les transports, les rues dépeuplées qui murmuraient des échos de pas fantômes. Il fit en sorte que les absences pèsent plus lourd que les présences, qu'elles soient un vide qu'on porte sur la poitrine.

Puis, il distribua les retrouvailles, mais avec parcimonie, pour que le manque devienne un prisme et non une évidence. Il plaça un fil invisible entre les êtres, un fil qui vibrait à l'évocation d’un prénom, d’un rire, d’une main effleurée un jour oublié.

Le sixième jour, il transforma l’absence en une présence plus forte que la chair.

Le septième jour, il contempla son œuvre et hésita à se reposer. Quelque chose clochait. Il avait donné au monde la distance, le silence, le doute, le vertige de l’incertitude. Mais il lui manquait encore un détail, une faille par où tout pourrait basculer.

Alors, il insuffla l’oubli.

Petit à petit, il fit en sorte que la mémoire s’effiloche, que les événements deviennent flous, que l’urgence se dissipe. Il plaça sur chaque front une lassitude douce, celle qui précède le désir de normalité, même si cette normalité était factice.

Le septième jour, il s’effaça derrière son propre oubli.



El primer día, creó los cables eléctricos para que los pájaros pudieran posarse en línea horizontal. Creó también el cielo y decidió que cada aurora sería única.
“Los días en la Tierra no se repetirán”, afirmó con astucia, reservándose hábilmente los tonos grises para las mañanas sin ánimo ni inspiración.
“El contraste es bienvenido", exclamó con entusiasmo. *"Permite distinguir lo que existe, lo que es superfluo y lo que falta."*

El primer día, el ruido habitual del mundo se desvaneció.

El segundo día, creó a Pac-Man, con tanto azul para jugar. Dispersó los fantasmas en diversos cielos y concedió a uno de ellos un hogar en la Tierra. 
También estableció la primera división: los esenciales y los no esenciales. 
Los esenciales podrían salir, pero estarán desbordados de trabajo, mientras que los otros se quedaran en casa, enfrentándose a su propia intrascendencia.
“Sin contradicciones se aburren” , se dijo convencido.
Por la tarde, creó las estadísticas, "porque los números los fascinan", afirmó.

El segundo día, las estadísticas y el fantasma con casa en la tierra, se salieron de control y dominaron el mundo.

“El tercer día,” ideó la fórmula insoluble de la "continuidad de la incertidumbre". También creó el sonido de los aplausos. La gente se asomaba a sus ventanas a las diecinueve horas en punto para aplaudir a los profesionales de la salud. Era grandioso escuchar aquel *clap-clap-clap* nacional. Eran los nuevos dioses en la Tierra.
Sin embargo, cuando regresaban a casa, aplaudidos pero exhaustos, encontraban bajo su puerta cartas anónimas con amenazas y exigencias de desalojo. Además de salvadores, eran portadores de contagio. Tenían que sacrificarse un poco más.

El tercer día , incertidumbre, contradicción y sospecha fueron usadas para la segunda gran división.

El cuarto día, creó las ventanas. No las que se abren para ventilar, sino las que enmarcan el mundo cuando ya no se puede formar parte de él. Les añadió reflejos, vaho, gotas de lluvia deslizándose como recuerdos que no se logran retener.

Añadió cortinas, para aquellos que ya no quisieran ver, y sombras que cruzaban detrás de los cristales, probando que un "afuera" todavía existía.

Al llegar la noche, agregó un último detalle: amaneceres y atardeceres espectaculares, para recordarles a los confinados que se habían perdido algo irreemplazable.

El cuarto día, cerró el horizonte con llave.

El quinto día, creó los unicornios, tan magníficos que sintió celos y los escondió. Sembró la duda sobre su existencia porque, además del miedo, sentía orgullo por su creación.
“La duda es un poderoso ingrediente para mezclar realidad y ficción", improvisó.

El quinto día, de esa incoherencia, de esa belleza, de los unicornios, del miedo y de la duda, nació la conspiración.

El sexto día, creó las ausencias. Las sillas vacías alrededor de las mesas, los asientos desocupados en los transportes, las calles despobladas que susurraban ecos de pasos fantasmales. Hizo que las ausencias pesaran más que las presencias, que fueran un vacío que se llevaba en el pecho.

Luego, repartió los reencuentros, pero con mesura, para que la falta se convirtiera en un prisma y no en una certeza. Colocó un hilo invisible entre los seres, un hilo que vibraba al evocar un nombre, una risa, una mano rozada en un día olvidado.

El sexto día, transformó la ausencia en una presencia más fuerte que la piel.

El séptimo día, contempló su obra y dudó en descansar. Algo no encajaba. Había dado al mundo la distancia, el silencio, la duda, el vértigo de la incertidumbre. Pero faltaba un último detalle, una grieta por donde todo pudiera desmoronarse.

El séptimo día deicidio dar un visita guiada por los cielos, pero nadie vino, había olvidado que estábamos todos confinados. Entonces, insufló el olvido. Poco a poco, hizo que los acontecimientos se volvieran difusos y la urgencia se disipara.
El séptimo día se desvaneció detrás de su propio olvido.

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